La semaine dernière, tout le milieu culturel québécois s’est porté à la défense de Radio-Canada dans le dossier des coupures à son financement. Personnellement, je crois que la SRC a sa raison d’être et je peux fermer les yeux sur certains défauts pour autant qu’ils soient compensés par d’autres points forts.
Mais au lieu de faire un billet sur la SRC, mettons les choses en perspective et parlons du système public allemand.
D’abord privée puis nationalisée sous Hitler, la radio allemande a été refondée sous le modèle de la BBC après la guerre (à l’ouest). À la demande des Alliés, les médias furent déclarés compétences des Länder et c’est ainsi qu’il n’y a pas un mais plusieurs diffuseurs publics allemands. Il y aura fallu une décision de justice pour permettre les stations privées, dont l’apparition remonte à 1984.
En 2009, 9 entreprises sont membres du consortium ARD. Ensemble, elles exploitent 54 stations de radio régionales et 9 stations de télévision régionales, auxquelles s’ajoutent les réalisations communes: la chaine nationale Das Erste ainsi que les services numériques EinsExtra, EinsPlus et EinsFestival.
La chaine ZDF, en ondes depuis 1963, constitue le deuxième élément. Société publique fédérale, elle est officiellement sous le contrôle des Länder. Le même principe s’appliquent à ses services numériques ZDF Infokanal, ZDF Dokukanal et ZDF Theaterkanal, de même qu’aux deux stations de radio nationales – DeutschlandRadio et DeutschlandRadio Kultur.
Tout ce beau monde est également partenaires dans divers projets, telles que les réseaux ARTE et 3Sat, la chaine parlementaire Phoenix et le KiKa pour les enfants.
Si on commence par parler d’administration, on constate rapidement que le principe staatsferner Rundfunk n’est pas aussi vrai qu’il n’en a l’air et prendrait plutôt l’allure d’un mythe fondateur.
À la manière des parlements des pays communistes, les conseils d’administration de chacune des entités sont formés par les « forces vives de la Nation »: représentants des partis politiques, syndicats, associations culturelles. Seuls les sièges réservés aux téléspectateurs sont ainsi occupés par des personnes vraiment indépendantes du pouvoir en place.
L’exemple suivant est d’ailleurs très éloquent. Une controverse a éclaté il y a quelques semaines, après que la CDU au sein de CA de ZDF ait demandé le départ du rédacteur en chef Nikolaus Brender. La démission de Roland Koch, ministre-président de la Hesse et vice-président du CA, a été réclamée par l’opposition au Landtag de Wiesbaden et de nombreux journalistes (ici). Le SPD, dont le chef Kurt Beck président le CA de ZDF, a rapidement fait l’amalgame avec Silvio Berlusconi.
Peut-être pour « écoeurer » un peu la CDU, le jury du prix Hanns-Joachim-Friedrich a décerné la décoration à Nikolaus Brender pour récompenser son talent ainsi que son indépendance en 2009.
L’émission Zapp, qui couvre le monde des médias pour NDR, a diffusé deux reportages sur l’évènement, rappellant au passage que ce n’est pas la première fois que les politiciens veulent mettre la main sur l’audiovisuel public allemand. L’équipe a d’ailleurs découvert que des fonds de ZDF ont été utilisés pour célébrer les anniversaires de Roland Koch et Kurt Beck.
Après avoir vu le reportage, il est permis de se poser de nombreuses questions sur l’indépendance réelle du duo ARD/ZDF. Par exemple, impossible d’accéder à une haute fonction sans être membre du bon parti.
Le reportage raconte qu’à la fin des années 1970, la CDU ne cachait plus son support pour les stations privées afin de se débarasser de la gauche sur les ondes*. Cependant, plusieurs politiciens de la CDU ont été très frustrés de voir que, parce que ça ne rapporte pas, la politique est absente des chaines privées et que, par conséquent, ils n’ont pas réussi à influencer RTL, Sat.1, ProSieben et autres!
ZAPP.
* À ce sujet, autre anecdote
À Berlin-Ouest, Sender Freies Berlin (de ARD) compétitionnait avec la Rundfunk im amerikanichen Sektor (RIAS) opérée par les troupes américaines. Même si la RIAS l’emportait pour les émissions musicales, on a toujours raconté que la SFB était préférée pour les informations parce qu’elle n’avait pas le ton anti-communiste de la RIAS.
Faites passer le message:
WordPress:
J’aime chargement…