Contrairement à leurs homologues québécois, qui ont cherché à minimiser la portée du vote de mardi, les journalistes allemands se sont rendus à l’évidence: les Américains ont rejeté le programme de Barack Obama. Les obamistes n’ont pas cherché à nier les résultats, bien que la déception se lisait dans plusieurs textes publiés mercredi.
C’est donc dire qu’on part de loin. La langue allemande n’est pas à court de mots pour qualifier Barack Obama, parfois « porteur de lumière », « porteur d’espoir » dans d’autres temps. Dans la presse allemande, Barack Obama est un homme tellement parfait que c’est à se demander si il est humain. Un phénomène qui date bien avant la Grande Nuit Obamiste de mardi, le tout a commencé avant même son élection.
Si l’on exclut la description souvent douteuse du Tea Party, je n’ai pas constaté que les textes informatifs contenaient du vocabulaire partisan dans une proportion énorme. En commentaire et en analyse par contre, on ne s’est pas retenu pour dire sa façon de penser. Ralph Sina, de WDR, a par exemple servi un commentaire radio dans lequel il décrit Obama comme un des meilleurs présidents depuis des décennies et affirme que les Américains ont en fait voté contre tout ce qu’il avait fait de bon, soient la nationalisation de GM, la réforme de la santé et les milliards de la relance ici. Plus tard dans la journée, on pouvait l’entendre comparer Sarah Palin à Lady Gaga tout en qualifiant la défaite de « désastre pour le président des coeurs ». Quel contraste avec la remise en perspective de Klaus Scherer, qui explique en termes clairs comment l’Amérique n’est pas comme l’Europe la voudrait!
Du côté des magazines d’actualité, le Focus, ordinairement plus à gauche, est beaucoup moins partisan que Der Spiegel. C’est à croire que ses analystes vivent dans un monde imaginaire, ici on lui dit quoi faire pour se ressaissir, là on explique comment la défaite de 2010 peut être une chance pour Obama en 2012. À certains égards, Marc Pitzke me rappelle nos Lisée et Hétu. Absolument aucun respect pour le Tea-Party, des gens toujours décrits de façon désobligeante, des frustrés avec des guns, à qui il manque « des concepts » pour comprendre comment gérer un État.
À noter l’agacement de Der Spiegel face aux références à Hitler. Non, ce n’est pour comparer les Républicains aux Nazis au lieu d’Obama, simplement que pour les médias allemands, ce n’est pas une blague à faire. Qu’importe les arguments sur le totalitarisme, en Allemagne il s’agit d’un manque de respect pour les victimes du nazisme qui sont bassement instrumentalisées pour gagner des élections.
Même la presse plus conservatrice/libérale, comme le Süddeutsche Zeitung ou le FAZ, n’a pas d’éditorial ou d’analyse plus nuancée envers le Parti Républicain. Il est certes vrai qu’être un droitiste allemand n’a pas la même signification qu’aux USA, mais c’est tout de même dommage que la réaction des Américains soient regardée de haut alors que l’Europe s’apprête également à frapper le mur.
La question raciale a été largement écartée, à l’exception de mentions concernant l’absence d’Afro-Américains au Sénat. Qu’importe si des gouverneurs de couleur ont été élus, si la Caroline du Sud envoie un premier Noir Républicain à la Chambre depuis 1860… Les Noirs étant miséreux et les élections américaines se gagnant avec de l’argent, les Noirs ne peuvent pas se faire élire!
C’est le Bild, ce mélange de Journal de Montréal et de Photo Police, qui publie pratiquement tout le matériel critique à Obama. Les Américains en ont plein le casque d’Obama sort les chiffres sur combien les Américains désapprouvent le président, No, he can’t démontre qu’il a livré tout le contraire de ses promesses.
Peut-être n’est-ce qu’une coïncidence (LOL!) mais le seul média qui vise juste est celui que tout le monde aime haïr. Voyons, le Bild, c’est pour les pas de classe, les ignares, les cons qui aiment le football et les boules à l’air! Il a au moins le mérite de refuser la pensée unique, le Bild est le seul média à constamment proposer une cure minceur à l’État allemand.
Bien que les deux soient évidemment reliés, je trouve éminemment plus pathétiques les commentaires sur les forums de ces mêmes médias. Je mettrais même un dix que c’est pire que blogue de Richard Hétu. D’une part, tous les stéréotypes y passent: les Américains sont obèses, ignorants, armés, Jesus freaks, racistes*… À tour de bras, on appuie ses dires avec telle ou telle anecdote de voyage, une histoire d’échange étudiant, des touristes rencontrés au hasard… Sans oublier les clichés sur le militarisme, l’impérialisme, le complexe militaro-industriel, les faussetés sur le système d’éducation et de santé américains… Il ne manque que la ligne habituelle sur les Juifs qui contrôlent les USA, réjouissons-nous que cette phrase soit illégale sur une site internet allemand! D’autre part, on constate comment le culte de l’étatisme, du keynésianisme, de l’assurance-maladie universelle inventée par Bismarck a littéralement lavé le cerveau d’une écrasante majorité de commentateurs, visiblement incapables de voir le monde d’une autre façon.
Il se trouve bien quelques Américains parlant l’allemand, quelques Allemands qui connaissent bien les États-Unis, pour venir corriger le tir mais vous comprendrez facilement que sur des centaines de commentaires comme dans le cas du Spiegel, ça ne fait pas le poids.
Je suis également obligé de constater que les modérateurs du Spiegel Online et autres sites, qui sont supposés retirer les propos xénophobes en vertu d’une loi fédérale, ne semblent pas trop avoir de problèmes avec les centaines de messages à saveur « Fremdenfeindliche » envers le peuple américain.
* Personnellement, c’est justement la référence à leur racisme qui fait le plus mal. La fiche de l’Allemagne dans ce dossier est infiniment pire que les États-Unis, l’histoire, les statistique et l’actualité le prouvent abondamment!