L’administration municipale berlinoise a été écorchée au Bundestag ce mercredi, le caucus gouvernemental (CDU-CSU-FDP) ayant exprimé un blâme à l’encontre de sa tolérance envers la violence d’extrême-gauche. C’est le député Kai Wegner (CDU Spandau-Charlottenburg Nord) qui s’est levé en chambre.
Selon l’élu conservateur, la Sénat de Klaus Wowereit regarde ailleurs quand il est question de violence commise par des groupes d’extrême-gauche (et des « vrais », pas Amir Khadir). Anarchistes et communistes en seraient à établir des « zones de non-droit » avec le silence complice des autorités SPD/Linke.
La question est soulevée une semaine après l’évacuation du squat Liebigstrasse 14 dans Friedrichshain. 2500 policiers ont dû intervenir pour sortir des squatters. Il y a eu des dizaines d’arrestations, tant sur place que pendant des marches de soutien dans le quartier, et plusieurs blessés. Les coûts, tant pour le personnel, les frais de cours que les dommages aux biens, n’ont pas toujours pas été évalué.
En images: Ici, ici, ici, ici.
L’édifice était squatté depuis 1990. Après quelques années, la ville leur avait accordé des baux puis le processus d’expulsion a trainé devant les tribunaux après la vente il y a 10 ans.
La Ville de Berlin s’est défendue, disant qu’on avait appelé au calme… Mais come on, ces gens ne sont pas des pacifistes et considèrent que la police doit être battue, alors les mots du Sénateur de l’Intérieur d’un parti « bourgeois » comme le SPD, ils s’en tappent!
La « bataille » avant d’ailleurs commencé. Début janvier, les bureaux de l’arrondissement Friedrichshain-Kreuzberg ont été attaqué et le maire de l’arrondissement (Die Grünen) s’est fait dire qu’on ferait exploser sa voiture BZ. L’an dernier, 30 policiers ont dû protéger un simple stand de la CDU dans l’arrondissement rebelle…
Les anarchistes, communistes et autres « anti-fascistes » se font rarement arrêter, nous rappelait un texte du FAZ l’an dernier. Même si ça ne veut pas nécessairement dire que les autorités ignorent le phénomène, comme par exemple ici ce rapport de 2009.
Ce n’est pas la première fois qu’une personne de la CDU sonne l’alarme sur le freeride qu’aurait la violence d’extrême-gauche par rapport à l’extrême-droite.
Il est vrai que les nazis sont plus violents que les anarchistes. Dans son rapport 2009, le Bundesamt für Verfassungsschutz disait qu’on avait recensé 19468 « crimes politiques de droite » contre 9375 « crimes politiques de gauche » (page 36). Ceci dit, l’extrême-gauche devient plus violente tandis qu’à droite, c’est en baisse.
Évidemment que, dans leurs fondements intellectuels, nazisme et communisme ont beaucoup en commun mais, pour les fins de l’exercice, faisons comme les Allemands: ce sont deux choses opposées.
Mais au-delà de toutes les considérations partisanes, on revient au sempiternel débat sur le romantisme de la gauche versus l’inhumanité de la droite.
Les partis politiques allemands vouent une haine féroce à la « droite », qui signifie les nazis. Au point où les conservateurs de la CDU et les libéraux du FDP se voient comme des partis centristes (ce qui n’est pas faux en pratique, mais on s’éloigne du sujet…). En Allemagne, droite = nazi. Une étiquette présente depuis 80 ans, rien n’y fait. Manifester « gegen Rechts », c’est contre les nazis, pas le FDP.
Au passage, je souligne néanmoins que personne à gauche ne fait d’amalgames douteux entre libéraux et libertariens du FDP avec le nazisme comme on entend à propos du RLQ ou du Tea Party…
En ajoutant l’effet médiatique, je pense que l’on conditionne les Allemands à conclure que la violence politique ne peut être que le fait des nazis. L’extrême-gauche, c’est die Linke, c’est sympathique. Or, ce n’est pas parce qu’on commet moins de « crimes politiques » à gauche qu’à droite qu’il faudrait fermer les yeux.
Il ne viendrait à l’esprit d’aucun Allemand de relativiser le Troisième Reich. Dans la tête des Allemands, le régime nazi est tellement mal, c’est le summum de l’horreur. Pourtant, depuis 60 ans, on est toujours incapable d’avoir une telle unanimité par rapport à la RDA.
La même chose se voit auprès des squatters. Liebigstrasse 14 aurait-elle eu autant de sympathie si ça avait été un squat de nazis? Certain que non. On ne touche pas au « brun »: des propriétaires refusent de louer à des nazis, des banques ferment les comptes de leurs clients d’extrême-droite… Mais s’ils sont rouges, c’est correct!
Je me déclare même coupable: je suis un fan fini du Kunsthaus Tacheles, un squat dans les ruines d’un ancien magasin et dont les jours sont comptés… Mais aller prendre une bière dans une « Nazi-Kneipe » ou à la discothèque nazie en face du Ring Center? Over my dead body!
Mais si je peux me permettre de revenir sur la motion des parlementaires, des députés du SPD et Linke se sont levés pour dire que la violence n’avait pas sa place… Mais Swen Schulz (SPD, Landesliste Berlin) et Halina Wawzyniak (Linke, Landesliste Berlin) ont toutefois trouvé le moyen de faire des liens entre les évènements de Friedrichshain et le désengagement social du gouvernement Merkel… L’art de dire une chose et son contraire.
Ceci dit, la prochaine fois que vous verrez le Black Block dans une manif à la télé, dites-vous qu’à Berlin, ils font partie du paysages dans nos quartiers, tous les jours!
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