Lors de son élection il y a 2 ans, Angela Merkel avait promis qu’elle n’instaurerait pas de salaire minimum en Allemagne. La clause est inscrite noir sur blanc dans le contrat liant la CDU/CSU au FDP. Malgré les demandes des syndicats, les sondages en faveur, la chancelière n’a pas bronché. Seuls quelques secteurs, plus pénalisés par la concurrence polonaise, se sont vus imposé une telle mesure sociale.
C’est ironique d’entendre que la mesure est controversée dans un pays où l’intervention de l’État au niveau social est si bien vue et où les travaillons ont acquis tant de droits avec les années. L’histoire nous dit que patrons et syndicats allemands n’ont jamais voulu voir l’État se mêler de leurs négociations salariales, ce qui explique donc l’absence d’une telle politique jusqu’à tout récemment.
Les demandes pour un salaire minimum allemand ne sont apparues qu’à partir du moment où le marché du travail a commencé à changer: temps partiels, horaires variables, postes contractuels… mais c’est surtout la concurrence de l’Europe de l’Est qui a fait hausser le ton. À preuve: le secteur de l’entretien ménager a été le premier à bénéficier d’un salaire minimum déterminé par l’État.
Je crois l’avoir déjà écrit, la question me déchire. Autant je suis séduit de voir patrons et travailleurs négocier ensemble leurs conditions, autant je me désole de voir que de nombreux Allemands travaillent à temps plein pour 400€ par mois. Parce qu’il y a, en Allemagne et surtout à l’Est, un crony-capitalism nouveau genre: Au nom de la réinsertion sur le marché du travail, l’État ne pénalise pas les prestataires d’allocations qui gagnent moins de 400€ par mois. Vous avez donc des tonnes d’employeurs qui en profitent, le gouvernement leur fait pratiquement un cadeau en subventionnant les salaires de la sorte!
Le gouvernement fédéral a en mains des études lui disant que le salaire minimum universel (s’appliquant à tous les secteurs) n’aura pas d’impact sur le marché du travail, les syndicats, les partis d’opposition et la population sont en faveur… Facile donc pour Angela Merkel de se lever et d’admettre qu’elle y pense sérieusement.
Coincée par sa promesse envers le FDP, la chancelière propose donc un « salaire minimum par la porte d’en arrière »: il s’agirait, pour le gouvernement, d’instaurer une sorte de plancher salarial. En d’autres termes, une loi indiquerait qu’aucun Allemand ne peut gagner moins de X en occupant un emploi à temps plein: 7.79€ de l’heure à l’Ouest, 6.89 à l’Est. Le montant serait fixé à partir de ce que les conventions collectives assurent aux personnes employées de façon temporaire.
Les employeurs trouvent le montant trop élevé – notons qu’à l’inverse, le SPD et les Verts jugent que c’est trop bas pour assurer l’indépendance financière des citoyens. Le FDP considère que c’est une attaque envers le « dernier rempart du libre-marché » ainsi qu’une attaque envers l’indépendance du marché du travail allemand. Le FDP refuse que les salaires soient négociés en campagne électorale, Angela Merkel réplique que non, une commission sera responsable de déterminer le salaire et non pas les politiciens tous seuls.
Qu’Angela Merkel affirme qu’elle agit au nom de la valeur du travail, c’est bien noble mais mon petit doigt me dit qu’elle se prépare pour la campagne électorale de 2013 où le SPD pourrait très bien reprendre la chancellerie. Cela dit, elle a aussi des chiffres qui la pousse à faire quelque chose: 22% des Allemands sont à faible revenu et 1.4 millions de travailleurs allemands ne peuvent joindre les deux bouts sans l’aide supplémentaire de l’État.
Le FDP émet des réserves surtout au niveau du chômage des jeunes, donnant l’exemple des pays voisins. Vrai que la situation européenne ne se compare pas vraiment à l’Amérique du Nord, où le salaire minimum est davantage un affaire d’étudiants.
Bien hâte de voir où ce débat va mener!
Avec le Berliner Morgenpost
Faites passer le message:
WordPress:
J’aime chargement…