Pour les gouvernements, la santé est devenue rien de moins que le mal du siècle. Tous les pays industrialisés connaissent des problèmes, d’ailleurs très similaires: manque de personnel, et hausse toujours plus importante des coûts. Tout le monde tente bien que mal de trouver des solutions.
Si je suis vite à qualifier les Canadiens de « têtes dures » pour refuser d’envisager d’importantes réformes dans le domaine, réformes allant à l’encontre des paramètres existants, force est de constater que les mêmes mots s’appliquent à mon deuxième pays. L’opinion publique allemande se dresse contre les visées du ministre Filip Rösler.
Il faut dire que notre assurance-maladie semble bien jeune comparée à l’allemande, créé par nul autre que Bismarck il y 140 ans!
Pour résumer rapidement, chaque résident de l’Allemagne doit avoir une assurance-maladie sauf s’il est riche. Une personne ayant des revenus annuels inférieurs à 42000€ doit s’assurer au public, les autres au privé. Les deux secteurs ont un éventail de compagnies où l’assuré peut se promener selon les services offerts. La prime correspond à environ 15% du salaire, et l’employeur en assume la moitié.
Le gouvernement fédéral a déjà permis aux caisses de facturer leurs clients différents frais supplémentaires afin qu’elles se renflouent, mais ce n’est pas encore suffisant alors le ministère de la santé étudie sérieusement le remplacement des primes ajustées selon les revenus par des primes fixes.
L’opposition à ces deux propositions s’articulent autour de deux arguments. Les « frais supplémentaires » sont dénoncés parce que les employeurs ne participent pas, et les primes fixes sont décriées car elles ne respectent pas le principe de solidarité.
En guise de réplique, l’opposition parle de plus en plus d’abolir le système d’assurance actuel et le remplacer par un système à la canadienne. Incroyable, mais vrai! J’ai d’ailleurs écrit un texte là-dessus sur un blogue libéral allemand, à venir bientôt.
Notez cependant que, mis à part les « frais supplémentaires », le gouvernement est encore dans la phase des consultations. Et c’est dans l’ombre de ces changements que l’on a réalisé l’enquête annuelle sur les services de santé en Allemagne, où l’on interroge 1800 citoyens et 800 médecins sur leurs perceptions. Voici les chiffres:
82% trouvent la réforme injuste
75% doutent qu’elle assure réellement le financement du système de santé
61% sont insatisfaits du ministre fédéral de la santé (62% l’étaient de sa prédécesseure)
70% jugent le système de santé allemande « bien » ou « très bien » (80% il y a 2 ans!)
42% ont peut de devoir se priver de soins pour des raisons financières
38% se privent déjà de soins pour des raisons financières
70% déclarent le prix des médicaments comme cause de la hausse des coûts en santé,
68% les changements démographiques
61% trouvent que « Big Pharma » a été choyée par la réforme
66% disent que les assurés sont trop touchés par la réforme
50% des gens et 70% des médecins trouvent que beaucoup d’Allemands consultent trop les médecins
73% des médecins trouvent raisonnables d’exiger une participation financière des patients à leurs soins.
90% des patients rejettent une augmentation des primes d’assurance
80% s’opposent à payer plus pour les médicaments
75% contre l’idée d’absorber eux-mêmes une partie des coûts d’une visite médicale
66% contre le ticket modérateur à chaque visite
66% contre le modèle suisse (présentation ici)
Bref, la santé est en train de devenir en Allemagne la même chose qu’ici: un mange-ministre!
J’aurais aimé entendre les propositions de ces personnes qui ont dit non à toute forme de financement supplémentaire. C’est beau dire non, mais les coûts grimpent et il faudra que quelqu’un les couvre et ça ne sera pas le voisin!
Soit dit en passant, l’étude « MLP-Gesundheitsreport » a été réalisée dans d’autres pays cette année et il s’avère que les Allemands sont à la traine derrière leurs voisins suisses et néerlandais… Comme quoi ces modèles qu’ils rejettent peuvent très bien être la solution durable à leurs problèmes