Je vais être bien franc avec vous: bien que je trouve ça bon, je ne me considère pas comme un fan d’Arcade Fire. Ce n’est donc pas en cheerleader que je constate, avec délice, toute l’hypocrisie qui suit leur victoire dans la catégorie « Album de l’année » au Grammys, dimanche à Los Angeles.
Hypocrisie parce que, après des années à dire qu’ils ne sont pas des « Nous autres » comme dirait mon ami Mathieu Demers, à leur reprocher de ne pas chanter en français, voilà que les médias et les « commenteux » des blogues médiatiques (ex.: Cyberpresse) se mettent à les encenser et à s’approprier un petit coin du trophée, étant donné que c’est « Nous » qui avons gagné le prix.
D’autant plus drôle que « SBordeleau », sur le blogue de Marie-Claude Lortie, y va d’une tirade selon laquelle ça exprimerait la supériorité de la culture québécoise sur celle, sans saveur, du reste du Canada… Il ne vit définitivement pas dans le même Québec que moi, celui de Marie-Mai, La Poule aux Oeufs d’Or et L’Appât!
Tant qu’à y être, je pourrais m’en prendre à Marie-Claude Lortie, qui appelle Montréal à capitaliser sur le prix pour attirer le tourisme hipster, comme si un trophée remportée par un band pourrait décider une personne de venir visiter la ville. Mais, étant dans le domaine, vrai que ça peut constituer un facteur indirect. Les carrières internationales d’artistes comme Björk et Sigur Rós ont fait connaître l’Islande, en particulier aux États-Unis, et la musique islandaise est une partie incontournable du marketing touristique du pays, au point où Icelandair s’associe à tous les grands évènements.
L’exemple de l’Islande est intéressant pour le Québec, étant donné les similitudes entre les deux cultures: ultra-minoritaires dans le monde et où, à l’interne, le réflexe de tribu est important.
Il y a quelques jours, le portail web Visir.is annonçait que le groupe Guitar Islancio allait participer au festival de jazz de Düsseldorf. Les médias ont porté beaucoup d’attention à la tournée allemande du groupe Dikta. Comme c’est généralement le cas au Québec donc, le moindre geste d’un Islandais à l’étranger est souligné partout.
À la différence du Québec par contre, l’establishment islandais n’a pas de mouton noir. Que les gars de Dikta fassent un album en anglais et veulent percer en Europe, c’est vu comme la progression normale d’une carrière. Ici, too bad, mais ils seront des vendus, les journalistes les verront avec suspicion, d’autres artistes viendront critiquer leur « manque de pureté » dans les talk-shows…
Reste que, toutefois, en jouant la carte indie, Arcade Fire n’est tout de même pas la première chose que des stations comme CKOI ou NRJ veulent passer en boucle. Sauf que, comment expliquer que Simple Plan (même chose pour The New Cities) ait été connu à travers le monde avant d’être un succès au Québec, sinon que le milieu artistique québécois levait le nez sur leur produit « radio-friendly » parce qu’ils chantent dans la mauvaise langue?
On peut dire que l’ADISQ lève le nez sur tout ce qui n’est pas en français mais je dirais que c’est plus que ça. Alors que la petitesse du Québec devrait normalement, selon l’exemple islandais, favoriser la diversité du milieu, le monde de la musique québécoise a plutôt choisi d’imiter le système en place aux États-Unis, soit des majors dont la mission est de faire sortir un produit commercial, pré-mâché et le plus mainstream possible (ce qui voudrait donc dire que remporter un Grammy signifie qu’Arcade Fire n’est plus indie…).
Force est de constater que l’industrie québécoise de la musique s’obstine à fonctionner selon un vieux modèle d’affaires, qui fonctionne de moins en moins avec les jeunes, ce qui explique qu’un chanteur de 25 ans peut atteindre le sommet des palmarès avec un album de remake des années 60. Au lieu de favoriser la vitalité artistique, on se concentre sur les valeurs sûres.
Et comment être forcé d’évoluer quand on est si bien protégé par les quotas du CRTC? Ce système fait plus que protéger la musique francophone, il la fige dans le temps.
Autre texte sur la difficile acceptation d’Arcade Fire chez les « Nous autres »
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