C’est @Citoyenk qui m’a tweeté l’article suivant, paru dans La Presse le 2 novembre dernier: Financement de la santé: Le Danemark l’exemple à suivre.
Passons-le au rayons x…
Tout d’abord, prenons acte qu’Ariane Lacoursière a discuté avec un certain Poul Erik Hansen, qu’elle identifie comme le ministre de la santé du Danemark. Or, il n’en est rien. Le site officiel de la conférence le décrit chef du service économie du ministère danois de la santé. En danois, son poste s’appelle « Kontorchef » – un administrateur dans la fonction publique. Désolé mais ça part mal…
Les établissements de santé y sont gérés par cinq «régions», plutôt que par 18 agences et 95 centres de la santé et des services sociaux (CSSS) ici au Québec.
Le budget annuel du ministère de la Santé du Danemark, qui dessert 5,6 millions d’habitants, est de 20 milliards de dollars canadiens. Au Québec, où on compte 7,9 millions d’habitants, le budget annuel est de 28,1 milliards de dollars.
Il semblerait donc que le Danemark économise sur les cadres et les coûts de gestion, donc l’argent va vers les patients et non pas dans les bureaux. Je lis
ici que les coûts administratifs du système de santé danois ne sont que 5 à 8% du budget total.
Un citoyen moyen paie 50% de taxes diverses dans ce pays.
Un pauvre aussi, madame!
«Plus un hôpital traite de patients, plus il reçoit d’argent»
Combien de fois a-t-on voulu faire ça au Québec?
En 2007, le gouvernement a aussi obligé les 98 municipalités de son territoire à payer une portion des frais de santé de leur région. «Les municipalités paient ensemble 10% de la facture de leur région», explique M. Hansen.
Sans expliquer que la Kommune fait des choses qu’aucune ville québécoise ne fait… Au Danemark, la ville reçoit 50% des impôts et s’occupe de presque tous les services directs aux citoyens: passeports, garderies, perceptions des impôts, écoles… Loin de nos villes où la principale dépense est le déneigement!
«Mais pour que ça fonctionne, on a dû mettre en place un réseau d’information détaillé, dit-il. Tous les jours, les hôpitaux peuvent savoir quel est leur volume d’activité et celui des autres établissements. On présente aussi à tout le monde le prix de chacun des actes effectués à l’hôpital.»
Doit-on rappeler que le Danemark est un pays où les comptes de dépenses des élus sont sur internet? L’appareil d’État québécois manque de transparence pour se soumettre à un tel exercice. Voici un exemple de rapports, comparaisons des établissements au niveau des chirurgies ophtalmiques. Tarifs 2011.
Depuis plus de cinq ans, le gouvernement danois a aussi instauré une «garantie de traitement en un mois» pour tous les citoyens. «Si vous n’êtes pas traité en un mois, vous pouvez aller vous faire soigner dans un établissement privé ou dans un autre pays et votre région devra payer la facture», explique M. Hansen.
Malgré cette possibilité, 98% des Danois préfèrent se faire soigner dans le secteur public. Preuve, selon M. Hansen, que le réseau est efficace et de qualité. «Des gens préfèrent attendre un peu plus longtemps pour se faire soigner dans l’hôpital public de leur choix. C’est pour ça que notre temps d’attente moyen pour un acte est de 60 jours», note-t-il.
Je pense que M. Hansen spin un peu ici. Pour se prévaloir d’un tel droit, il faut répondre à certains critères, fort possible que c’est moins possible en pratique. Je m’explique aussi mal comment le déplacement de seulement 2% des patients vers le privé auraient suffi à faire baisser les listes d’attente de 30% par rapport à 2001 (voir ce rapport). Aussi, par rapport aux 2%, le rapport du ministère parle plutôt de 63000 patients qui vont au privé aux frais du public en 2009 (2008: 93000)… Cela dit, le Vérificateur général fait état d’une augmentation constante de l’argent dépensé par le public dans les hôpitaux privés. Pour 2010, Politiken parle d’un regard de patients s’étant prévalu de la garantie de soins
Ma recherche amène aussi un texte curieux. En mai dernier, Politiken relevait que les coupures et les congédiements dans les hôpitaux publics avaient réussi à réduire le temps d’attente de 67 à 53 jours en 2 ans.
Ici, un rapport du vérificateur général couvre également un aspect que ni La Presse ni la la conférence elle-même n’ont abordé. Ces Danois qui payent de leurs poches, ou via des assurances complémentaires, pour se faire soigner au privé. De 141000 en 2002, le nombre d’assurés privés est passé à 1 million en 2008. Et si, en 2007, le privé ne réalisait que 3% des chirurgies totales au Danemark, il prend une place de plus en plus importantes dans certains domaines: 22% des opérations aux yeux, 35% des interventions en orthopédie et 60% des chirurgies bariatriques sont effectuées dans les hôpitaux privés.
En juillet dernier, étude indiquait qu’un Danois sur 5 avait déjà eu recours aux soins de santé privé. Sans trop de surprises, les électeurs les plus à gauche, SF et Enhedslisten, sont les plus réfractaires.
Pour le gouvernement danois, tout le monde gagne d’avoir ces « deux vitesses »: Ceux qui peuvent aller au privé libèrent des places pour les gens qui ne peuvent pas.
Quand on lui demande quelle est la durée moyenne de l’attente au service des urgences de son pays, M. Hanse s’exclame: «Elle est longue!» Selon les périodes de l’année, elle varie de moins de 1 heure à 12 heures, selon M. Hansen. Au Québec, l’attente moyenne a été de 17h36 l’an dernier.
Contrairement au Québec, où l’accès à un médecin de famille est difficile et où la pénurie d’infirmières cause bien des maux de tête, le Danemark n’éprouve pas ces problèmes. «On a même un peu trop d’infirmières en ce moment», note M. Hansen.
C’est faire abstraction des différences fondamentales entre les deux systèmes d’assurance-maladie. Si on réfère aux informations sur le site de la Municipalité de Copenhague, on remarque que le système danois impose le médecin de famille comme premier contact dans le réseau. Les communes tiennent des listes de médecin et chacun doit s’y enregistrer, on peut demander aux autorités de nous assigner à un médecin. La clinique doit être dans les 5 km de son lieu de résidence, à moins d’avoir la permission écrite du médecin qu’on veut voir. Des frais sont applicables pour changer de médecin. Notez qu’on peut aussi être assuré dans le « groupe 2 », où vous allez chez n’importe quel médecin mais vous payez et l’assurance-maladie publique vous rembourse.
Les médecins danois ne travaillent que le jour, il faut donc s’absenter du travail pour les consulter. En dehors des heures de bureau, un « sans rendez-vous » est assuré à tour de rôle… C’est ainsi qu’on n’engorge pas les urgences pour des grippes ou des otites, un facteur très aggravant dans le système de santé québécois.
Sur les infirmières, on se rappelle que la pénurie québécoise a été causée par les mises à la retraite massives de l’ère Marois – sans compensation par une libéralisation du système de santé, sans oublier la dictature des ordres professionnels qui contingent la profession. Impossible, par exemple, de donner un poste au 65% d’infirmières danoises qui ne trouvent pas d’emploi après leurs études!
Selon le ministre, les Danois «sont fiers de leur réseau de la santé». «Ils apprécient l’accès gratuit et universel aux soins, dit-il. Et, oui, je pense qu’ils trouvent qu’ils en ont pour leur argent.».
Ce que dit le « ministre » ici a été dit dans plusieurs sondages, à savoir que les Danois ont l’impression d’en avoir pour leur argent avec tous les impôts qu’ils paient. Jusqu’à quel point c’est vrai, difficile à dire, mais je serais porté à penser que l’universalité du système fiscal amène les politiciens à être beaucoup plus responsables qu’ici.
Poul Erik Hansen a été invité à Montréal pour vendre sa salade en faveur du système de santé public à une conférence organisée par des groupes en faveur d’une tell option. Il a dit aux participants ce qu’ils voulaient entendre, c’est leur choix. Et même si ses paroles ont globalement passé l’épreuve des faits, ça m’enrage de constater qu’encore une fois, la journaliste n’a aucunement remis en doute ce qu’il lui disait.
Sans doute ne faut-il pas mal parler du Danemark quand on travaille avec Marie-Claude Lortie…
Récit d’Henrik Finn Edtwodth Andersen sur son expérience dans les deux systèmes
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