À Potsdam samedi, Angela Merkel a choisi son camp dans le débat allemand sur l’immigration: le multiculturalisme est un échec en Allemagne.
Les commentateurs se sont empressés de lier cette remarque à l’inconfort grandissant de plusieurs Allemands, notamment ce sondage cité par la BBC, face à l’immigration mais surtout face à la vie que mène ces millions d’étrangers sur le territoire.
Je vais vous dire bien franchement, j’aimerais demander à madame Merkel comment le multiculturalisme allemand peut-il être un échec s’il n’a jamais été vraiment souhaité?
En Allemagne, le multiculturalisme, c’est du folklore. Klaus Wowereit vante la capitale « multikulti » mais seulement 13% des Berlinois sont nés à l’étrangers et, en dehors du Karnaval der Kulturen, on parle très peu de l’apport de l’immigration à Berlin par exemple. Ça me rappelle le Québec, où on aime nos « ethnies » francophones et péquistes, sinon on souhaite qu’ils partent.
L’État allemand est hypocrite quand il regrette l’absence d’intégration des immigrants. En Allemagne, les « conditions gagnantes » sont difficiles à trouver.
La véritable clé de l’intégration, elle n’est nulle part ailleurs que dans l’économie. Les Turcs, les Italiens, les Espagnols, les Yougoslaves sont venus en Allemagne dans les années 1960 pour pallier au manque de jeunes hommes en âge de joindre le marché du travail.
L’Allemagne a toujours souhaité qu’ils repartent, les premiers accords d’immigrations prévoyaient même un roulement entre les travailleurs pour éviter qu’ils restent. Ce sont les entreprises, écoeurées de devoir toujours former de nouvelles personnes, qui ont supplié les politiciens de garder les mêmes gens.
Ces hommes ont donc fait venir leur famille. Les mères ont appris l’allemand, les enfants ont fréquenté l’école. Mais on a toujours dit, ou au moins souhaité, que tous ces gens retournent « chez eux » un jour. D’ailleurs, avant les années 1990, il était presque impossible pour un étranger d’obtenir la nationalité allemande.
Bien entendu que cet esprit « temporaire permanent » a joué sur le niveau d’intégration. Après avoir vu leurs parents tout faire pour être considérés comme Allemands et demeurer malgré tout des Ausländer, beaucoup de « deuxième génération » se sont finalement réfugiés dans leur « turquitude » de manière poussée. Par exemple, des filles portent le voile alors que les mères n’auraient jamais osé. Des jeunes qui ne connaissent rien de la Turquie sont soudainement aussi turcs que Atatürk.
La mobilité sociale est réduite en Allemagne, le système d’éducation est très opaque, le marché du travail très réglementé, ce qui fait que les étrangers sont sur-représentés dans les classes plus pauvres et qui les rend donc plus nombreux à demander de l’aide sociale. Pendant longtemps, une certaine classe politique a pu se dire « Prenez votre chèque, pendant ce temps-là vous ne volez pas de jobs ». Sauf qu’à mesure que le chômage a augmenté, les Allemands « de souche » sont devenus plus nombreux à être prestataires d’aide sociale et on a jugé qu’à partir de ce moment là, c’étaient les étrangers qui recevaient plus qu’ils ne donnaient comme contributions sociales.
Et c’est un cercle vicieux: l’immigrant qui se sort de la spirale de la dépendance à l’aide sociale et qui se trouve un emploi est à nouveau accuser d’enlevé quelque chose aux Allemands, dans ce cas-ci un travail. Allemands qui, nouveau problème pour l’État-nation, sont de plus en plus à quitter. En plus de faire très peu d’enfants.
Ce qui inquiète des personnes. À la CDU, Annette Schavan est de ceux-là, plus les Verts, le FDP et les chambres de commerce. D’où la collision entre les deux camps: alors que l’on dit qu’il y a assez, voire trop d’étrangers, en Allemagne, un nombre de plus en plus important de personnes affirment qu’au contraire il en manque.
En 2002, le gouvernement Schröder avait instauré un système de greencard pour les travailleurs spécialisés. Ce fut un échec, en 2009 seulement 169 personnes ont été accueillies selon ce programme. C’est la grosse inquiétude du milieu économique: en restant fermée aux étrangers, l’Allemagne recule économiquement. Les entreprises ne parviennent pas à recruter des spécialistes, notamment face au Canada, USA, Australie…
Sauf qu’ils récoltent ce qu’ils sèment depuis 50 ans.
Un nombre à peu près égal de personnes, 27000 chaque, sont venues en Allemagne comme réfugiés ou sous le régime des permis de travail. Un régime qui fait sacrer bien des gens, dont moi, et des entreprises qui perdent beaucoup d’argent lorsque les bureaucrates retardent leurs décisions.
L’argument massue, c’est le chômage. Or, l’Allemagne manque 400000 employés professionnels et l’agence fédérale pour l’emploi admet qu’elle est incapable de convaincre de nombreux chômeurs d’aller chercher de nouvelles qualifications.
La plus facile est donc le regroupement familial, 45000 visas l’an dernier. C’est la voie qu’on m’a « fortement recommandé », celle où il se passe des choses peu catholiques: faux mariages, fausses paternités, enfants conçus dans le seul but que la mère étrangère s’établisse en Allemagne, je peux même vous donner des noms…
Je crois par contre que ce n’est pas une bonne voie pour s’intégrer si on se sert d’un membre de sa communauté pour accéder à l’Allemagne. Pour certaines femmes turques ou africaines, ce n’est même pas une libération: elles sont peut-être matériellement plus confortables que dans leurs villages, mais elle ne mènent pas la même vie qu’une Allemande de leur âge, c’est certain!
Cela dit, je rejette la catégorisation des immigrants comme le fait Thilo Sarrazin par exemple. Il fait une fixation sur l’absence d’intégration de certains musulmans mais un Britannique de Munich peut être encore moins bien intégré que le marchand de fruits arabe qu’il dénonce. En Europe, c’est perçu comme moins grave. Or, c’est une erreur car la problématique est la même.
Bon, à moi maintenant d’écrire un mémoire au Bundestag sur la nouvelle politique d’immigration de l’Allemagne hahahaha
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