Graphique YLE TV-Nytt, Finlande
Les conclusions d’un sondage pan-scandinave réalisé pour le compte des diffuseurs publics (DR, NRK, SVT/SR, YLE) risquent bien d’alarmer profondément les admirateurs aveugles du modèle scandinave au Québec: même « entre eux », il n’est toujours pas question d’appliquer le modèle mis en place en Suède. Ainsi, on apprend par exemple que les Danois sont trois fois moins nombreux que leurs voisins suédois à prendre des congés de paternité – le temps réservé aux pères n’étant pas prescrit au Danemark.
De dire Nina Smith d’Aarhus Universitet: « Lorsque c’est volontaire, les pères sont plus affectés parce que c’est plus difficile de partir en congé. C’est un signal négatif de partir en congé volontairement ». De plus, dit elle, se priver du salaire paternel après la naissance d’un enfant est un choix dispendieux car c’est plus souvent lui qui gagne le plus.
Est-ce que ça devrait être volontaire ou non? La professeure conclut que même si c’est un sujet sensible, l’obligation pour les deux parents de partir en congé marque une réelle volonté politique de mettre hommes et femmes sur un pied d’égalité sur le marché du travail. De plus, pour elle le congé parental n’est pas une question individuelle mais collective.
Elle suggère que le Danemark adopte le modèle islandais, considéré comme le compromis par excellence: trois mois à la mère dès la naissance, trois mois à se partager entre les deux parents, et les trois derniers mois au père.
Regardons donc comment ils font:
Danemark: 52 semaines au total, sans obligation pour le père. Les mères disposent de 4 semaines avant la naissance et 14 après. Les pères peuvent prendre 2 semaines à l’intérieur des 17 semaines suivant la naissance de l’enfant – le reste est à partager.
Suède: Congé de 18 mois pour la mère après la naissance, à compter de 60 jours avant l’accouchement. Le père doit obligatoirement prendre congé pour les 10 jours suivant la naissance, congé qui peut être prolongé jusqu’à 60 jours après l’accouchement. Ceci en plus des congés prévus, lorsque l’enfant est malade et qu’il a plus de 18 mois.
En regardant de plus près, on peut voir l’attrape. 10 jours, c’est deux semaines de travail. Honnêtement, je suis certain que plusieurs pères prennent quelques jours de congé après la naissance de leur enfant, qu’il y ait une loi ou non. Alors, la vraie question est: combien de Suédois prennent les 60 jours?
Norvège: 44 semaines à 100% du salaire, ou 54 à 80% du salaire, dont 6 semaines doivent être prises par le père. Sinon, il y aura une pénalité équivalente à 6 semaines de prestations.
Finlande: Un congé de 154 jours après l’accouchement mais qui est payable en 263 jours. 105 pour la mère. Le père a droit à 18 jours de congé après la naissance et une « option » pour 12 jours de plus. Le reste est pris selon les souhaits de chacun. Un des deux parents peut quitter son travail pendant 3 ans sans ce que cela affecte son ancienneté. De plus, les deux parents qui travaillent ont droit à des horaires flexibles jusqu’à ce que leur enfant entre en 2ième année du primaire.
DR, DR, DR
Alors, vraiment, si les Québécois qui ne jurent que par l’imitation du modèle scandinave veulent bien prouver leur point, ils devront localiser leur admiration. Car, le congé parental est un exemple, ce n’est pas partout pareil!
EDIT
Preuve qu’on peut toujours faire dire aux chiffres ce que l’on veut, NRK arrive à une conclusion tout à fait différente de DR. Ainsi, à Oslo on a noté que les Norvégiens sont les plus conservateurs en matière de congé parental: avec la mère qui prend la majorité du congé à 52%, la Norvège est le seul pays où cette situation passe la barre des 50%. Dans les autres pays étudiés, le congé est majoritairement divisé 50/50 entre les deux parents.
Ironiquement, ce sont les jeunes Norvégiens d’un an qui sont les plus susceptibles d’aller à la garderie – une proportion de 70%. À 3 ans, les Danois, Suédois et Norvégiens fréquentent les CPE à 90% alors que seuls 67% des enfants finlandais y sont.
NRK
EDIT 2:
Il semble que nous sommes vraiment dans une situation où tout le monde veut être le pire: en Finlande, comme en Norvège et au Danemark, on clame que ce sont eux les pires. Selon la formulation de texte employée par YLE, les Finlandais sont les pires car ils n’ont pris que 6.6% des jours de congés alloués – contrairement à 7.5% au Danemark, 12.3% en Norvège et 21.5% en Suède.
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